LES
PORTES DU PENITENCIER
Après avoir réalisé
un film très autobiographique pour son premier essai
(HAPPY HOUR), Steve Buscemi porte aujourdhui à
lécran le roman de Edward Bunker, "The Animal
Factory". Lacteur fétiche de Tarantino et
des frères Coen nen a pas pour autant réalisé
un film de commande. On retrouve le même regard sur
les personnages que lon avait aimé dans son premier
long métrage, un regard tendre ou cruel mais toujours
attentif. Steve Buscemi choisit de nous projeter directement
dans la prison, quil dépeint dune façon
très crue. Le réalisme de ANIMAL FACTORY provient
sans doute de lexpérience de Edward Bunker, ancien
bandit qui a connu la prison au jeune âge de 17 ans.
Lauteur a dailleurs puisé dans ses souvenirs
pour créer le personnage principal, celui de Decker
(Edward Furlong), le jeune détenu qui découvre
la prison.
UN VRAI RECIT DINITIATION
Dailleurs,
cest autant un film carcéral quun récit
dinitiation : Decker doit apprendre à maîtriser
les codes et les rituels de la prison pour pouvoir y survivre.
Edward Furlong, découvert dans TERMINATOR 2, joue parfaitement
de son physique innocent et de sa fragilité adolescente.
Pourtant, plus que le personnage de Decker, cest celui
de Earl Copen (Willem Dafoe) qui semble vraiment intéresser
Buscemi et cest avec lui que le film prend une vraie
dimension tragique. Le comédien réussit à
éveiller des sentiments ambivalents chez le spectateur:
inquiétant au début, il finit par être
touchant. Lhomosexualité latente de son personnage
nest jamais réellement exprimée, simplement
effleurée. Sans affects ni effets, ANIMAL FACTORY est
aussi remarquable par sa sobriété. Techniquement,
la réalisation est irréprochable même
si elle na rien de spectaculaire car Buscemi porte une
attention particulière aux visages, aux expressions,
aux gestes.
DU CINEMA A LANCIENNE
La
richesse du film provient aussi de la diversité des
points de vue : du taulard travesti interprété
par un Mickey Rourke méconnaissable au lieutenant incarné
par Seymour Cassel, tous les personnages existent avec force
et apportent un nouvel éclairage sur le monde de la
prison. On retrouve là ce qui fait la force dun
certain cinéma américain classique : un sujet
fort, des interprétations impeccables, une mise en
scène efficace. Le film va à lencontre
du courant formaliste qui traverse actuellement le cinéma
Outre-Atlantique, de Fincher à Aronofsky en passant
par Tarsem Singh, le réalisateur de THE CELL. Cest
presque du cinéma à lancienne, débarrassé
de toutes les scories modernes. ANIMAL FACTORY sera peut-être
considéré par certains comme trop sobre ou trop
austère : ce serait faire un faux procès à
ce film fort et saisissant.
Marc Arlin - Monsieur Cinéma